mardi 1 juillet 2008

Coup dur pour ebay condamné à 40 millions d'euros


Sur le plan judiciaire, ce mois de juin marque un véritable tournant pour eBay. Le site d'enchères a été condamné, lundi 30 juin, par le tribunal de commerce de Paris à verser près de 40 millions d'euros de dommages et intérêts à six marques du groupe de luxe LVMH. Cette condamnation, après celle de Troyes le 4 juin, pourrait obliger eBay à modifier en profondeur son architecture technique et son modèle économique.

Jusqu'ici, le site avait réussi à éviter une condamnation pour contrefaçon : la plupart des affaires visait des particuliers, utilisateurs du site. eBay s'abritait derrière la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de juin 2004, se considérant comme un prestataire technique ne pouvant être tenu pour responsable des agissements de ses utilisateurs. Mais, avec les condamnations à Troyes, le 4 juin et à Paris, lundi 30 juin, le vent a tourné.
LE JUGEMENT DE TROYES OUVRE LA VOIE

En 2006, Hermès repère des contrefaçons de sacs en vente sur le site d'enchères. Le groupe assigne à la fois "barbie.cindy7", l'alias choisi par l'internaute vendeuse de contrefaçons et le site d'enchères. La marque de luxe considère qu'eBay fournit les moyens pour mettre en valeur ses sacs contrefaits.

Selon les termes de la LCEN, un hébergeur ne peut être condamné pour les contenus litigieux mis en ligne par ses clients, à moins qu'il ait été averti et n'ait pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser les publications. Les juges de Troyes ont tranché en défaveur d'eBay. En des termes durs, ouvrant implicitement la voie à de nouvelles condamnations dans d'autres affaires, comme celle qui opposait le groupe LVMH et eBay devant le tribunal de commerce de Paris. S'il ne conteste pas le statut de "prestataire technique" à eBay, le tribunal de Troyes relève que "les sociétés eBay doivent être considérées comme des éditeurs de services de communication en ligne à objet de courtage" qui ne sont pas "dispensées de veiller, dans la mesure de leurs moyens, à ce que leur site Internet ne soit pas utilisé à des fins répréhensibles".

Face à cette condamnation, eBay affichait encore la semaine dernière un optimisme étonnant. Alors que son entreprise venait d'être condamnée pour contrefaçon, Alexandre Menais, directeur Europe en charge des partenariats avec les fabriquants et les marques, indiquait au Monde.fr qu'il s'agissait en fait d'une "victoire". Il s'appuyait sur le fait que le tribunal n'avait pas imposé à eBay une modification de ses systèmes de contrôle. Alexandre Menais estimait qu'il s'agissait même d'un "encouragement" pour le site d'enchères.

Pourtant, les juges de Troyes ont pris la peine, dans leur jugement, de suggérer à eBay quelques améliorations : "Il appartient aux sociétés défendresses de solliciter par tous les moyens des vendeurs qu'ils précisent dans leur annonce les moyens d'identification de l'objet vendu (référence du produit, numéro de série, de type, certificat d'authenticité)."

DÉFI TECHNIQUE ET ÉCONOMIQUE

La décision du tribunal de commerce de Paris, lundi 30 juin, va dans le même sens que celle du tribunal de grande instance de Troyes. eBay est condamné, notamment pour contrefaçon, à verser près de 40 millions d'euros à six marques LVMH. Mais aussi à la publication dans la presse de ce nouveau revers.

Le site d'enchères devra, en outre, verser 3,25 millions à quatre marques de parfum (Dior, Kenzo, Givenchy et Guerlain) pour atteinte au réseau de distribution sélective. Le tribunal lui a interdit "de diffuser des annonces de produits de parfumerie et de cosmétiques" de ces marques ou "présentées comme tels" sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard.

eBay a annoncé qu'il ferait appel de cette décision, comme il l'a déjà fait à Troyes. Et l'on comprend aisément pourquoi : de telles décisions, si elles devaient devenir définitives, imposeraient à eBay de revoir en profondeur son architecture technique et son modèle économique.

Il lui faudrait vérifier préalablement à leur mise en ligne que chacune des annonces parues sur son site ne concerne ni un article contrefait ni un produit normalement vendu au travers d'un système de distribution de revendeurs agréés. Techniquement, le défi semble compliqué.

Son modèle économique, qui consiste notamment à toucher une commission sur les ventes, mais aussi à proposer des services "marketing" facilitant la mise en vente de biens (ce qui a d'ailleurs fait pencher la balance à Troyes) risquerait d'être remis en cause. Car toute aide à la promotion d'un article pouvant être considéré comme une contrefaçon ou un produit ne devant être distribué que via un réseau de revendeurs agréés pourrait entraîner de nouvelles condamnations.